… Débat public et innovation

Les sociétés démocratiques ont toujours construit ou défendu les outils de la contestation : la libre expression, le soutien à la presse et la protection de ses sources, le droit de la défense, le droit de grève… Les réseaux étendent l’espace d’expression, mais on le voit, d’autres tendances pourraient le restreindre. La demande de sécurité est naturelle, mais elle pourrait aboutir à une dictature douce de la «majorité silencieuse». C’est pourquoi il est temps pour les démocraties, sur leur sol comme au niveau mondial, d’étendre et de défendre de manière active l’espace du débat, les expressions minoritaires et les contre-pouvoirs. Enfin, l’innovation est devenue une valeur centrale, notamment parce qu’elle est la condition d’une compétitivité économique durable dans le capitalisme d’aujourd’hui. Or cette innovation change : parce que le numérique, par sa plasticité, lui offre une formidable plate-forme ; parce que, de ce fait, un nombre croissant d’individus, «consommacteurs», «pro-ams», «hackers», etc., participent de l’innovation. Et par conséquent, l’innovation partagée devient l’une des manières essentielles, pour les individus et les sociétés, d’avoir prise sur leur avenir. L’innovation perturbe, elle force à peser autrement : en cela, sous sa forme partagée et ouverte, elle devient également l’une des valeurs démocratiques à promouvoir.

Elargir le «bloc constitutionnel» de la libre expression autour du numérique et des réseaux

Qu’elles apparaissent ou non dans le texte des constitutions, un certain nombre de libertés – d’expression, de réunion, de la presse, de faire grève…– ont acquis un statut constitutionnel. D’émergence récente, le numérique et les réseaux ne sont pas aujourd’hui concernés. Dans la mesure où ils peuvent à la fois être de nouveaux supports d’expression et de mobilisation, et les outils d’un futur Big Brother, il importe qu’ils trouvent leur place dans ce «bloc constitutionnel». Pourraient par exemple être garantis et défendus :

  • La neutralité des réseaux ouverts au public : les réseaux eux-mêmes ne doivent pas contrôler pas a priori quelles expressions, quelles informations peuvent ou non y circuler ;
  • L’ouverture des réseaux publics : chacun dispose du même droit à s’y connecter, chaque réseau ouvert au public peut s’interconnecter aux autres ;
  • L’expression personnelle et collective via les réseaux, dans les mêmes limites que celles qui s’imposent à la presse.