Demain, la connaissance
C’est désormais un lieu commun de dire que nous entrons dans une «société de la connaissance», mais on s’attarde moins sur les manières dont le statut et la nature de cette connaissance changent.
Le rôle central de la connaissance
La connaissance est en effet devenue centrale pour au moins quatre raisons :
- La dimension immatérielle de l’économie (services, contenus, finance, propriété intellectuelle…) est devenue dominante ;
- L’innovation est devenue le principal facteur de compétitivité durable ;
- Les industries nouvelles exigent des niveaux de connaissance de plus en plus élevés, qu’il faut en outre actualiser au rythme de l’avancée des technologies ;
- La réponse aux grands défis de notre planète mondialisée repose sur nos capacités d’organisation collective, du local au global, plutôt que sur la mise en œuvre par quelques experts de technologies ou de politiques adéquates.
Mais quelle connaissance ?
La «connaissance» nécessaire au XXIe siècle ressemble moins que jamais à une simple accumulation personnelle d’informations et de savoir-faire :
- Elle n’est jamais acquise : dans des parcours de vie non-linéaires, face au progrès rapide des techniques et à une économie d’innovation intensive, il faut sans cesse réviser ses connaissances et apprendre a les mobiliser dans des contextes imprévus ;
- Elle s’externalise, via les ordinateurs et les réseaux. Un monde où la connaissance est presque immédiatement disponible, et partageable avec d’autres, diffère profondément de celui que nous connaissions auparavant.
- Elle est partagée, qu’on le veuille ou non : dans un monde ouvert aux frontières poreuses, la connaissance circule, les innovations se produisent de manière collective, se recopient et mutent en permanence.
Intelligence connective, intelligence collective
Derrick de Kerckhove appelle «intelligence connective» celle qui rassemble les efforts et les ressources mentales de nombreuses personnes, dans le temps, assistée par des systèmes qui l’accélèrent via l’ordinateur et l’étendent via les réseaux. Elle est pour lui une autre forme d’intelligence, partagée par nature, alors que nous sommes formés à tenir l’intelligence et la sensibilité pour des notions individuelles. Avec une vue plus opérationnelle, Pierre Lévy nomme «intelligence collective» celle qui vise à «améliorer de manière notable les processus de collaboration intellectuelle». Elle marie les réseaux de personnes (capital social), les réseaux d’infrastructures (capital technique), les réseaux d’informations (capital culturel) et les réseaux mariant personnes et idées (capital intelligence). Augmenter le niveau global des connaissances est donc indispensable pour vivre ensemble dans le monde de demain. Il s’agit à la fois de donner à chacun les moyens de son autonomie, et de développer l’intelligence collective qui conditionne autant la réussite économique, que notre capacité à relever les défis planétaires d’aujourd’hui. Mais c’est bien d’une autre forme de connaissance qu’il s’agit.