Autorégulation, corégulation, gouvernance « comportementale »

Sur un nombre croissant de sujets à la lisière entre économique et société, les institutions se voient priées de se tenir en retrait tandis que tentent d’émerger des formes alternatives de régulation privée ou des mélanges originaux, à défaut d’être toujours clairs, de co-régulation mariant acteurs publics et privés. L’internet en est une illustration. L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, organisation américaine sans but lucratif chargée de l’attribution de adresses IP et de noms de domaine) est gérée par un édifice complexe de comités représentant avant tout les acteurs et les utilisateurs mondiaux de l’internet. Les gouvernements y disposent d’un simple «Comité consultatif» (Government Advisory Committee). Mais l’ICANN dépend d’un mandat du Département du Commerce américain, qui peut – en théorie du moins – lui être retiré à tout moment. En revanche, l’IETF (Internet Engineering Task Force), en charge des principaux standards du réseau, ne dispose d’aucune structure formelle. Elle prend ses décisions sur la base d’un «consensus approché» et dispose d’instances d’appel, mais qui ne peuvent se prononcer que sur le respect des procédures communément acceptées ou sur les risques éventuels d’une décision pour la stabilité d’ensemble du réseau. Les tentatives d’autorégulation émanent d’abord des entreprises elles-mêmes, pour protéger ou stabiliser un marché et éviter des interventions étatiques : labels de qualité ou de respect de la vie privée, actions contre la publicité non sollicitée, responsabilité environnementale ou sociale (chartes de sous-traitance sur le travail des enfants ou les règles de sécurité…), etc. De leur côté, les consommateurs et les ONG s’organisent pour faire pression sur les entreprises via le marché au travers de campagnes de dénonciation ou de class actions… A l’intersection entre les deux, on trouve un nombre croissant d’agences de notation, de labels sélectifs privés ou interprofessionnels (bio, commerce équitable), etc. Ce mode de gouvernance peut être source d’inspiration pour les instances publiques et vient combler ses lacunes. La combinaison de l’autorégulation des acteurs privés et de l’intervention des acteurs publics forme la corégulation.