SITUATION

Téléphones portables, iPods, PDA et consoles de jeu interconnectés deviennent les composants d’un système mnémotechnique global. Adam Greenfield, In Futur 2.0, Fyp Éditions, 2007

Notre futur sera marqué par l’intégration généralisée d’interfaces numériques dans les objets et les espaces, formant un environnement de dialogue plus poussé avec les machines. Ces dernières communiqueront avec leurs utilisateurs, mais aussi entre elles, et sauront «sentir» leur environnement, s’y adapter et adapter en conséquence le service qu’elles rendront aux humains. Le statut et le rôle de l’informatique s’en trouveront bouleversés : intégrée dans d’autres appareils que les ordinateurs (téléphones mobiles, automobiles, appareils électroménagers, machines-outils) cette informatique omniprésente devrait permettre de nouvelles capacités de traitement de l’information et de la communication numérique.

Cette perspective n’est pas futuriste, elle commence déjà à se réaliser. Mais à y regarder de près, elle recèle un potentiel de transformation considérable dans notre rapport à la technique, aux objets, aux environnements et à nous-mêmes.

L’informatique omniprésente s’appuie sur une série d’évolutions techniques convergentes : miniaturisation des processeurs, omniprésence des réseaux avec et sans-fil, «agents intelligents», réseaux auto-organisés, interfaces «naturelles «…. Il s’agira alors, en équipant de puces la plupart des objets, des espaces, voire des corps, de doter l’humain d’une capacité renforcée de connaissance et d’action sur l’environnement, en relation à autrui. Mais les modalités de ce couplage de puces RFID, réseaux ambiants, objets et interfaces intelligentes, constituent un enjeu fort de recherche et de développement, et font émerger dans le même temps d’importantes questions sociales et éthiques.

Face à la combinatoire presque infinie que représente l’entrée en communication de tous les objets avec tous les autres, l’enjeu – autant technique qu’économique et politique – devient aussi de définir des modèles d’interaction, des scénarios, des droits, des contrôles, bref une sorte de «gouvernance», sans non plus limiter à l’excès le potentiel d’innovation, d’invention, que représente la multiplication des liens possibles entre objets, fonctions, personnes.

Cette «dissolution» du numérique dans les objets, les espaces et les corps nous oblige à repenser entièrement notre relation aux objets, ainsi que la place – pourtant déjà très grande – qu’occupe la technologie dans nos vies et dans le fonctionnement de nos sociétés. Le potentiel d’innovation que libère l’informatique ambiante est considérable : un monde nouveau s’ouvre et les prochaines décennies verront émerger des concepts, des services, des produits et des usages – ainsi que des conflits, des frustrations et des accidents – inimaginables jusqu’alors.

Toutes ces possibilités nécessitent de doter les puces – ou les réseaux qu’elles constituent – d’une «intelligence» : quelles informations sont importantes ? Qu’en faire, à qui le dire ? Comment faire les bonnes déductions à partir de ce que l’on mesure, pour produire les bonnes actions (freiner, alerter le conducteur, prévenir un centre de secours…) ? Quelles données collecter, transmettre, conserver ? Comment faire face à des situations imprévues ? Et cela, en temps réel, dans un environnement physique par définition imprévisible, dans la complexité de la vie réelle ?