Les migrations massives que provoque la différence entre le niveau de vie du Sud et du Nord, des grandes métropoles et des autres, se heurte à une résistance croissante. Des gouvernements autoritaires élus démocratiquement ferment – physiquement – les frontières. Des murs s’érigent entre continents, entre pays, voire comme naguère à Belfast et aujourd’hui à Padoue, au milieu des villes. Le 9 octobre 2011, une émeute urbaine éclate simultanément à Shanghai et Tokyo. Curieusement – on comprendra vite que cela n’a rien de fortuit – le système global Google, sur lequel s’appuient la plupart des systèmes de vidéosurveillance et de traçage des individus, est en panne. A mesure que le jour se lève d’Est en Ouest, les quartiers de relégation de Dehli, Moscou, Berlin, Bordeaux, Londres, New York, Los Angeles, se soulèvent. Cette première révolte mondiale des quartiers, habilement coordonnée au travers des réseaux, mettra plus de deux semaines à s’éteindre, souvent dans la violence. En 2016, le Syndicat des constructeurs de murs frontières a annonce la livraison du millionième kilomètre de mur – ironiquement, le client est Berlin. Dell lance une carte d’identité européenne dotée d’une capacité de 5 téraoctets et mise à jour toutes les heures – il faut bien ça pour stocker tous les identifiants, les droits, les traces sans lesquels il devient impossible d’accéder à quoi que ce soit dans ce monde. Pourtant, l’échec de cette politique de fermeture semble consommé. Fuyant la tension du Nord, des Japonais, des Finlandais, des Canadiens créent des petites communautés au Sénégal et au Kenya dans lesquels ils viennent vivre leurs dernières années de vie professionnelles (avant leurs 75 ans) et leurs premières années de retraite active. D’autres citadins se réfugient dans les mondes virtuels. Quand Rodez, forte de sa collaboration avec Electronic Arts engagée dès 2008, revendique la place de première ville du monde, Lagos proteste : on ne peut pas légitimement compter les avatars ! Le premier janvier 2021, prenant acte de la situation, New York déclare son indépendance. La ville démantèle ses murs intérieurs mais en érige à ses frontières. Appuyée sur la réussite de l’UPod, premier traducteur universel de langues, d’émotions et de sensations, elle choisit de devenir un havre de diversité et de multiculturalité. A l’abri de son hinterland – qui proteste vigoureusement – elle expérimente avec succès des modes de gouvernance éphémères, dans lesquels des conférences citoyennes réunies pendant quelques semaines se saisissent des problèmes difficiles, les traitent, les soumettent à la décision collective, puis se démantèlent. On revoit même quelques fumeurs dans les rues les moins passantes. Le 9 octobre 2026, le mouvement mondial Spin Apples, qui regroupe les 26 villes indépendantes du monde (580 millions d’habitants), se réunit à Bordeaux à l’occasion de l’Exposition Transurbaine. Kinshasa brigue la présidence avec un programme audacieux : ouvrir le dialogue avec les campagnes avoisinantes !