Qu’elles soient ouvertes ou protégées, la plupart des innovations se produisaient en réseau. Des gens testaient des produits à des stades très proches du prototype, d’autres les amélioraient ou les copiaient, d’autres encore les adaptaient à d’autres usages. Les réseaux, techniques et humains, devinrent aux yeux de tous des ressources essentielles. La neutralité de l’internet («l’internet, dès cette époque, désignait en un seul mot presque tous les réseaux, fixes et mobiles, avec et sans fil) devint constitutionnelle dans plusieurs pays. Des réseaux d’»innovation angels» et de microcrédit, des systèmes d’échange locaux et même des devises locales comme les Linden dollars de Second Life ou les Berliners, se répandirent et s’interconnectèrent, établissant même des taux de change entre eux. Ordinairement plutôt closes, les frontières s’ouvraient facilement aux individus disposant d’idées, de capitaux ou de relations.
Après un lent démarrage à la fin de l’année 2007, l’initiative « Un ordinateur par enfant » (One Laptop Per Child), issue du MIT et plus tard rebaptisée « Un communicateur par enfant », prit progressivement de l’importance. En 2018, alors que la 400 millionième machine fut remise à un enfant du Botswana, il apparut clairement que, dans les pays qui n’avaient pas rejeté l’esprit clairement américain, libéral et constructiviste du projet, la diffusion massive de ces machines avait un effet significatif. Une nouvelle classe d’entrepreneurs, de citoyens et de consommateurs émergeait dans le tiers monde. Autant que par ses professeurs qui n’y comprenaient souvent pas grand-chose, elle s’était formée elle-même grâce aux machines et aux réseaux. Elle parlait un Anglais correct, ne serait-ce que parce que les programmes les plus récents n’existaient que dans cette langue, ou que les adaptations locales étaient trop mauvaises. Et parce que ses représentants partageaient une culture commune, ils furent rapidement intégrés dans les réseaux mondiaux d’innovation et de discussion.
Cette situation contribua contribué à accélérer, bien que de façon très inégalitaire, le développement économique de nombreux pays. Les taux de natalité commencèrent à diminuer. L’alphabétisation fit des progrès rapides. Les émissions de CO2 n’augmentèrent pas beaucoup pour autant, notamment parce que l’aide étrangère s’accompagnait de conditions strictes et parce que les clients du monde entier avaient les moyens de vérifier la manière dont les produits qu’ils voyaient dans leurs magasins étaient fabriqués.